Good Bye Farewell


J'avais fini par tutoyer Jo, maintenant qu'il n'était plus mon beau-père. Sans jamais lui en demander la permission, d'ailleurs.
Passer du statut de beau-père à ex-beau-père avait permis ce changement, et il n'avait d'ailleurs pas paru choqué de la pirouette...


Pendant les dix années où nous nous sommes connus en tant que beau-père et belle-fille, je n'avais pourtant jamais réussi à franchir cet obstacle. Au bout de plus de cinq ans, ma belle-mère avait lâché du lest, comme une bonne surprise, un cadeau de fête des "belles-mères", ou bien en avait eu marre, je ne sais pas... Elle m'avait sommé de la tutoyer. "C'est bon, on a gardé les cochons ensembles, tu peux me tutoyer !"
J'avais accepté de bon coeur, et tenté ma chance avec Jo. Mais lui ne le sentait pas du tout, il était plutôt "vieille école" de ce côté-là.
J'avais donc poursuivi le "vous" avec plus ou moins de maladresses.

Dire qu'on connaît quelqu'un parce qu'on la côtoyé de près pendant dix ans, qu'on l'a vu traverser des épreuves, qu'on a tenté de l'accompagner, qu'on a fait de lui un grand-père (il l'attendait tellement, ce premier petit enfant), ça veut dire beaucoup, et ne rien dire aussi, une fois qu'il est parti.

Son image est pour moi celle d'un père "paternaliste", d'un bon vivant, d'un champigno-logue (il me l'a pourtant dit maintes fois, qu'on disait 'mycologue', mais j'ai dû le chercher à nouveau), d'un homme de principes, mais toujours "en bambane chez les potes" comme disait sa femme, d'un air agacé. C'était aussi un bon ami, car il en avait des tonnes, de partout...
Un homme doué pour les relations humaines sans doute, et un faiseur de troubles un peu, syndicaliste toute sa carrière. Mais pas sans raison, pour défendre les plus faibles.
Un homme qui n'avait pas la langue dans sa poche, même si ça dérangeait les autres un peu, et même beaucoup, parfois.
Un fin négociateur qui n'aimait rien tant que faire les brocantes, marchander, et rapporter des cartes postales anciennes (quelle collection !) et de vieux bibelots qui encombraient sa maison (et rendaient un peu fous les autres : comment se débarrasser d'un tel fouillis le jour où on déménagera ?)
Un grand-père attentif et attendri devant ses petits-enfants.

Mais aussi un homme qui a dû faire face à des problèmes de santé handicapants, qui lui ont fait perdre quelques années de vitalité, et gagner quelques années de vieillesse en une seule étape.
Un homme auquel je n'aurais jamais cru parler tel que je l'ai fait un jour d'automne, pour le secouer alors qu'il était au fond d'une dépression post-opératoire.
Un vieux monsieur qui se languissait de voir ses petits-enfants trop éloignés de lui à son goût.
Un homme diminué et qui le vivait très mal, sûrement.
Un homme dépendant des autres et qui en jouait pas mal, afin qu'on ne le délaisse pas.

On ne garde que les bons souvenirs d'une personne disparue, je crois. Dans ce cas, les bons et les mauvais se mélangent en moi, je l'avoue.
J'ai quand même besoin d'écrire ici ce que j'en pense, et de vous livrer mon hommage à ce grand-père, le premier que mes enfants vont perdre.
Ont perdu.

Repose-en paix mon vieux Jojo. Même si je ne crois pas trop encore que tu sois déjà parti. Même si je comprends que j'avais même un peu prévu que tu partirais bientôt...
Reposez en paix, Jo, comme j'aurais dit autrefois, dans cette autre vie que nous avons connu tous les deux, où nous avons eu tant de bonheurs, et quelques malheurs aussi.
A Dieu Vat' !

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